Le 14 octobre, les ministres des Finances du G20, réunis virtuellement, ont annoncé une extension de six mois de l’Initiative de suspension du Service de la Dette (ISSD). Ils ont également étendu le délai de remboursement des paiements suspendus de quatre à six années, et annoncé l’adoption à venir d’un « cadre commun pour le traitement de la dette au-delà de l’ISSD », qui devrait être présenté, à l’occasion d’une réunion extraordinaire des ministres des Finances, en amont du Sommet des chefs d’État du G20 de Riyad en novembre.

Bien que pertinentes en apparence, ces mesures restent largement insuffisantes et illustrent le manque de volonté politique des États membres du G20 face à l’ampleur de la crise qui touche les populations des pays pauvres.

Si le moratoire mis en place par le G20 en avril dernier a été légèrement étendu, aucune annulation réelle de dette des pays dont la dette est aujourd’hui manifestement insoutenable n’a été accordée. Malgré la crise inédite à laquelle ils doivent faire face, les pays pauvres vont donc devoir continuer à payer trois milliards de dollars de remboursements de dettes par mois, notamment à leurs créanciers privés (banques, fonds d’investissement, etc.) et multilatéraux (comme la Banque mondiale), qui restent simplement invités à appliquer le moratoire, et qui de fait ne l’appliquent pas. Les créanciers privés restent donc autorisés à continuer à engranger des profits sur le dos des pays pauvres.

Des mesures insuffisantes et des créanciers privés autorisés à profiter de la crise

En choisissant de ne pas annuler ces dettes, et de simplement continuer à en suspendre le remboursement, le G20 ne fait que retarder les faillites qui s’annoncent, comme celle de la Zambie déjà au bord du défaut de paiement. En outre, l’efficacité de ce moratoire à réellement libérer des ressources pour permettre aux pays en développement de financer leurs dépenses d’urgence de santé, sociales et économiques est largement contestée. En effet, comme le montre un rapport d’analyse publié par le réseau d’ONG européennes Eurodad, depuis la mise en œuvre de l’ISSD, seuls 46 des 73 pays théoriquement éligibles à l’initiative ont pu en bénéficier, pour un total de 5,3 milliards de dollars de dettes reportées. Bien loin des 12 milliards initialement annoncés, et des 1000 milliards nécessaires selon les estimations de l’ONU. Au final, les suspensions ainsi accordées via l’ISSD ne représent que 1,6 % de la totalité des remboursements dûs par les pays en développement en 2020.

Selon nos organisations, la dette des pays en développement ne devrait pas être suspendue mais annulée, par les États qui la détiennent, mais également par les créanciers multilatéraux et privés. Et les créanciers privés devraient être contraints à prendre part aux initiatives d’urgence prises par la communauté internationale pour faire face à cette crise.

Un cadre commun de traitement des dettes aux contours incertains

L’annonce par le G20 de l’adoption à venir d’un cadre commun de traitement de la dette pourrait également sembler constituer une bonne nouvelle. Les conditions auxquelles les restructurations de dettes seront accordées n’ayant toutefois pas été révélées, il semble difficile à ce stade de se réjouir de cette annonce.

Sauf à prévoir l’adoption d’un cadre multilatéral, juste et transparent comme l’appellent de leurs vœux les organisations de la société civile depuis des années, les pays faisant face à une crise de la dette continueront d’être – comme ils le sont déjà – démunis face aux désaccords avec et entre leurs créanciers. Cette absence de cadre pour permettre une résolution ordonnée et juste des crises de la dette est d’ores et déjà en train d’augmenter les coûts sociaux et économiques de ces crises. Les États du G20 doivent se départir de l’approche qui prévaut actuellement, et qui consiste à traiter les demandes au cas par cas, qui ralentit les traitements de dette et met en péril leur légitimité. Ils doivent faire le choix d’une démarche globale et systématique et veiller à ce que les accords d’allègements de dettes ne soient pas assortis de conditionnalités visant à imposer des mesures d’austérité destructrices des services publics, qui aggravent les inégalités et les atteintes aux droits humains.

Le mois prochain, nous attendons des États du G20 qu’ils s’engagent dans un processus spécifique d’annulation des dettes de tous les pays en développement pour répondre aux conséquences de la crise de la Covid-19. Ils devraient également soutenir la création d’un mécanisme permanent de restructuration des dettes, sous l’égide de l’ONU, pour permettre une restructuration systématique, complète et contraignante des dettes souveraines.