Le 26 novembre 2020, le CRID et Via le Monde, le service international du Département de la Seine Saint Denis, ont organisé un webinaire rassemblant différents témoignages sur la solidarité internationale en temps de crise sanitaire mondiale.

Ce webinaire vise à partager les enjeux de la solidarité internationale dans le contexte de la pandémie et à envisager les meilleures façons de poursuivre et d’approfondir les actions pour un monde de solidarité, de paix et écologique dans le contexte actuel de la pandémie mondiale et de ses conséquences.

Intervenant.e.s

Binta Dampha – chargée d’étude au service international Via le Monde, du conseil départemental de la Seine Saint Denis
Bintou Diarra – fondatrice de l’association Mejless
Gérald Godreuil – délégué général de la Fédération Artisans du Monde
Gustave Massiah – figure de l’altermondialisme, entre autres membre du conseil scientifique d’Attac, fondateur du Cedetim et d’Ipam
Abdel Sadi – vice-président en charge des affaires internationales du Conseil Départemental de la Seine-Saint-Denis et maire de Bobigny

 

Vous trouverez ci-dessous un résumé des différentes interventions.

Introduction d’Abdel Sadi

Abdel Sadi souligne les nombreux liens de coopération et de solidarité internationale existant depuis des années entre plusieurs pays et les associations du département de la Seine-Saint-Denis. Il remercie l’ensemble des partenaires ayant permis la mise en œuvre de ce webinaire et tout particulièrement le personnel de Via le Monde. Il souligne les difficultés à travailler en temps de confinement et rappelle son souhait de pouvoir nous réunir de nouveau en présentiel pour reprendre des liens de partenariats et de travail de qualité.

Intervention de Gustave Massiah

Gustave Massiah souligne lui la difficulté, égale à l’enjeu actuel de réinventer la solidarité internationale. Pour lui, si les ruptures entraînées par la question pressante du climat et celles plus récentes de la pandémie de covid19, pointent la nécessité de cette réinvention, cette nécessité n’est pas entièrement nouvelle.

En effet, des éléments tels que la crise financière de 2008 qui a débouché sur une montée en puissance des autoritarismes, les révolutions ayant débuté en 2011 à travers le monde (printemps arabes, mouvements des places, carrés rouges, anonymous…) et les répressions qui s’en sont suivies à partir de 2015, poussaient déjà à effectuer ce constat d’une nécessaire réinvention de nos façons de « faire de la solidarité internationale ».

Gustave Massiah propose ensuite un cadre pour repenser la solidarité internationale, qui s’incarne selon lui par : un projet, des valeurs, des pratiques et un mouvement.

La rupture en termes de valeurs

Il ne faut pas oublier qu’à l’origine le néolibéralisme s’est développé sur l’idée que le marché mondial pourrait régler tous nos problèmes. Or ajourd’hui, on voit de plus en plus l’idée émerger que la solidarité est liée à l’égalité et surtout pas à a perpétuation du marché mondial.

En tant que valeur, la solidarité internationale c’est la dimension internationale de la solidarité. Le contexte du covid et du confinement a été l’occasion de beaucoup parler de « solidarité ». Comme si, subitement, tout le monde s’était converti à cet impératif. En réalité évidemment, tout le monde ne parle pas de la même chose en parlant d’exigence de solidarité. Si tout le monde propose la solidarité comme façon de lutter contre les inégalités, pour certain.e.s c’est parce que ces inégalités sont injustes, pour d’autres c’est parce qu’elles sont dangereuses, pour d’autres encore parce que gravite l’idée que nous serions « tous frères », ou encore parce que nos intérêts seraient communs. Il faut donc se poser la question des valeurs sur lesquelles nous souhaitons construire cette solidarité, car elle se heurte aux valeurs sécuritaires et de repli sur soi qui sont également mises en avant en ce moment.

Ruptures en termes d’échelles

La pandémie est mondiale, la question de l’environnement l’est également. Pourtant, à ces deux enjeux mondiaux, les réponses sont nationales. Donc il nous faut revenir à ce rapport entre le mondial et le national.

A propos de l’échelle mondiale, on a assisté à une remise en cause de la mondialisation économique, qui était jusque là une évidence très peu remise en cause. Là on commence à voir de façon beaucoup plus générale que le marché mondial ne peut pas répondre aux besoins, aux questions de production (on l’a vu avec les médicaments par exemple) et qu’il est donc nécessaire de revenir sur la définition du mondial.

En ce qui concerne le covid, la réponse est étatique, mais elle se présentait comme voulant être publique. Sont donc revenues sur le devant de la scène des questions sur les communautés, le commun, le vivre-ensemble…ce qui a aboutit à une remontée des identités, notamment à travers la diversité des identités. En effet la dimension nationale ce n’est pas juste l’identité nationale, pour Gustave Massiah le national ce sont les identités multiples. Conséquemment, il faut se demander si nous sommes actuellement en mesure de redéfinir le rapport entre l’Etat et la nation.

Auparavant, la question existait bien sûr au niveau théorique. De nos jours elle devient tangible et vive. Par exemple, avant on parlait de pays pauvres, sous-développés. La représentation de la solidarité internationale était liée à la conception du développement sous l’angle du « rattrapage ». Il fallait « rattraper » les « retards » de développement des pays. L’écologie nous a d’abord montré qu’il était dangereux de réfléchir ainsi, car nous n’avons pas plusieurs planètes à disposition et que le modèle de développement occidental n’est pas soutenable. On voit maintenant que la notion de développement est déclassée, alors qu’elle n’arrivait pas à se dissocier du capitalisme, ça commence à changer. Quelle sera donc la future nature de la transformation des sociétés ?

Dans ce rapport entre le mondial et le national, l’échelon local émerge. De fait, les relations se construisent au local, les groupes de personnes se construisent au niveau local, sans être unifiés. Le local c’est donc la diversité et pour reconstruire la solidarité internationale il faut maintenant partir du local : « l’universel c’est le local moins les murs » (citation de Michel Torga).

La solidarité internationale en termes de pratiques

La solidarité se sont des pratiques entre des groupes, des individus, des peuples, des pays. Ces pratiques ont évidemment été rendues difficile vue le contexte : la mobilité était compliquée, les rencontres également…le principe du partenariat a subsisté, mais il a changé de nature.

Le partenariat mis en œuvre jusqu’à présent dans le milieu de la solidarité internationale est une idée nouvelle et intéressante : celle qui dit que l’on peut construire des rapports égalitaires, même en partant de situations inégalitaires. C’est donc une affirmation de la construction de l’égalité.

La solidarité internationale en tant que mouvement

la solidarité internationale est un mouvement qui a une histoire, un projet, une stratégique. Le mouvement de la Via Campesina en est un bon exemple, car une partie des syndicats d’agriculteurs.trices mettent en avant un autre projet pour l’agriculture, non basé sur l’industrie. Le mouvement de solidarité internationale a donc une histoire, s’est construit sur cette histoire.

Aujourd’hui, on se rend compte que la colonisation est encore présente partout, il nous faut donc aborder cette deuxième phase de la décolonisation, qui fait face à un refus de l’émancipation dans chaque société, ce qui se traduit par des contre-révolutions et des formes de violences (voir La stratégie du choc, de Naomi Klein).

On assiste en ce moment en parallèle à des mouvements de femmes, des mouvements anti-racistes…ce qui s’est passé aux USA à ce sujet est très intéressant souligne Gus Massiah. On assiste à des contradictions fortes, violentes, qui ne se résoudront pas seulement en termes de « qui laisse passer l’autre ? ».

Il faut donc que le mouvement de solidarité internationale construise son projet, celui de la transition écologique, sociale et démocratique. Gus Massiah y ajouterai une 4ème dimension, celle de la transition géopolitique. En effet, les grandes régions inventent les nouvelles manières de construire le monde et c’est donc à leur niveau qu’il pense que l’on doit donc reconstruire la solidarité internationale.

Il faut, enfin, toujours se poser la question des alliances. Avec qui s’allie-t-on aujourd’hui ? C’est en répondant à ces questions que nous pourrons reconstruire un mouvement de solidarité internationale.

Question des participant.e.s

Les mouvements sociaux citoyens dans les pays (d’Afrique, notamment) confrontés à des régimes néolibéraux autoritaires restreignant la liberté d’expression (encore plus depuis la pandémie). Ils ont besoin de sortir de leur isolement, de partager entre eux mais aussi (d’un pays à l’autre), plus largement, à l’international leurs contextes, leurs réflexions, leurs luttes, leurs propositions, leurs réseautages et leurs démarches mais aussi les répressions qu’ils subissent. Quid des outils en fonction (ou à faire fonctionner) nécessaires pour ces partages (suivant les thématiques, par exemple) et pour une construction concertée d’actions internationales de solidarité utiles et conséquentes ? (En tenant compte du fait que les connexions par Internet dans beaucoup de ces pays sont généralement faibles et problématiques)

Gus Massiah : l’objectif de l’altermondialisme c’est justement de permettre aux peuples de s’émanciper à travers leurs mouvements. Donc il faut savoir comment les mouvements discutent entre eux. Les mouvements de libération nationaux, qui ont permis la décolonisation, doivent se coordonner aujourd’hui encore pour résister ensemble.

Y’a-t-il toujours eu de la solidarité ?

Gustave Massiah : l’international tel que nous le connaissons aujourd’hui date du 17ème, 18ème siècle. A partir du moment où ce sont les Etats nations qui sont considérés comme les seuls acteurs de la scène internationale.

Qu’en est-il, côté décolonisation, des peuples autochtones en Amérique Latine ?

Gustave Massiah : cette question est nouvelle et fondamentale, elle enrichie par ailleurs cette nouvelle phase de la décolonisation. En 2009 au FSM de Bélem, 3 mouvements ont pris la parole : le mouvement des femmes, celui des paysans et celui des peuples autochtones amazoniens. Ils se sont adressés à tous les mouvements qui étaient là et leur ont dit : « vous dites qu’il faut à nouveau réfléchir aux rapports entre l’espèce humaine et la nature, comme s’il n’y en avaient plus du tout ». A partir de ce moment, on commence à remettre en cause la notion même de civilisation, on en revient à 1492 et à la première grande colonisation qui a laissé les peuples autochtones où ils en sont aujourd’hui. Donc, le fait qu’ils se décolonisent fait partie de la 2ème phase de la décolonisation.

Intervention de Gérald Godreuil, délégué général de la fédération Artisans du Monde

Gérald Godreuil plussoie ce que vient de dire Gus Massiah, en insistant sur la nécessité de construire une mondialisation plus humaine. A la Fédération Artisans du Monde, ils accompagnent les artisans sur leurs propres choix de développement, via l’économie sociale et solidaire. Le choix du commerce équitable, c’était donc d’offrir des débouchés à des artisans et des paysans. Leur donner accès aux marchés par exemple, c’était aussi renforcer les acteurs des sociétés civiles.

Le commerce équitable a évidemment été très affecté par le covid19. Divers acteurs de la chaîne du commerce équitable ont été impacté.e.s : les producteurs.trices, les associations artisans du monde en France et la Fédération. Tous ces niveaux ont été impactés par la crise que nous vivons.

Artisans du Monde c’est plus de 120 associations locales et 3000 bénévoles qui animent les magasins associatifs. Or, ces bénévoles sont pour beaucoup des retraité.e.s, donc des personnes fragiles impacté.e.s par le virus .De plus, les magasins Artisans du Monde subissent les conséquences liées à la fermeture des petites commerces, indique Gérlad Godreuil. Ceci impacte évidemment l’activité de la Fédération Artisans du Monde, donc sa capacité à soutenir les producteurs.trices, ainsi que leurs activités de sensibilisation, car c’est via les magasins que les consommateurs.trices sont également alerté.e.s sur les enjeux du commerce équitable, du genre, etc…les magasins sont donc également des lieux d’éducation populaire. Artisans du Monde a également l’habitude d’intervenir dans l’espace public et dans le milieu scolaire, activités qui ont également du s’arrêter, ce qui a fragilisé ces structures économiquement. La Fédération a également été impactée par effet rebond, un pourcentage des ventes lui étant reversé.

Bien sûr, les webinaires se sont démultipliés, ce qui a été intéressant car ils ont potentiellement touchés plus de monde (plus de personnes étaient présentes lors de l’AG de la Fédération par exemple). Mais ce que le distanciel facilite en termes de présence a tout de même des impacts négatifs (fatigue, manque de chaleur humaine).

Gérald Godreuil souligne que pour la Fédération, le plus important sont les producteurs.trices aux suds. Eux se sont pris en pleine face le covid, en évoluant dans des contextes où les systèmes de soins sont très aléatoires. Ils ont été empêchés de poursuivre leurs activités économiques, ils n’ont donc plus de travail et plus de relais en France, ce qui les fragilise d’autant plus. Dans le même temps, le cours des matières premières et de la nourriture a augmenté. Donc en même temps que leurs revenus baissaient, la vie courante est devenue plus chère.

Dans un premier temps, les organisations de commerce équitable ont pu « alléger la peine », en maintenant des commandes et en encaissant des paiements en avance. Mais ça n’a pas pu durer très longtemps, ce système n’étant pas soutenable sur le long terme. Gérald dévoile donc que, si le slogan « Trade, not Aid » reste d’actualité, la Fédération a du faire face aux appels à l’aide de nombreux paysans et artisans. Ils ont donc du mettre en oeuvre des campagnes d’appel à dons, contrairement à leurs habitudes et à leur vision du partenariat.

Certes le commerce équitable produit de la résilience, mais de façon assez hétérogène. Le cacao et le café ont pu, par exemple, continuer à s’exporter. Les producteurs de ce type de denrées ont été plus résilients face au covid que d’autres.

Enfin, Gérald Godreuil évoque la prise de conscience accélérée concernant la nécessité de changer de comportement de consommation. En parlant d’une étude récente, il mentionne le fait que les gens ont maintenant plus tendance à consommer local. La solidarité internationale se déplace donc beaucoup sur le terrain du local, alors qu’il ne faut pas oublier sa dimension internationale. Même si la dimension écologique semble contradictoire avec l’enjeu international, en tout cas en ce qui concerne le commerce équitable, Gérald avance que cela lui semble au contraire complémentaire. Il conclue son intervention en affirmant qu’une convergence des luttes doit avoir lieu pour changer les règles du commerce international.

Question des participant.e.s

Comment faire pour continuer à faire vivre les petits commerces en dehors d’Amazon ? La livraison par des bénévoles est-elle une solution ?

Gérald Godreuil : on n’est bien sûr pas fan d’Amazon. Les produits Artisans du Monde sont sur le label Emmaus (https://www.label-emmaus.co/fr/), notre centrale d’achat bien sûr et des magasins fermiers, des amap…y’a des partenariats qui se mettent en oeuvre sur les territoires, avec une complémentarité entre circuits courts et commerce équitable. Par ailleurs, de la même façon que se construit un commerce équitable nord/nord, y’a un commerce équitable sud/sud, et là on peut accompagner des agriculteurs qui eux-mêmes développent des marchés locaux et ne sont pas dépendants des exportations. Mais là tout cet axe de travail a été impacté par l’arrêt du tourisme.

Est-ce que la crise peut être l’occasion d’une plus grande implication des personnes du Sud dans la définition des orientations stratégiques d’organisations de solidarité internationale ? Comment leurs organisations de solidarité international peuvent favoriser cela (en impliquant davantage des migrant.e.s ici ? en écoutant davantage les revendications collectives là-bas ?) Quelles stratégies collectives pour redonner du pouvoir au local face aux multinationales et aux etats nations ?

Gustave Massiah on part de situations inégales et les organisations de solidarité internationale essayent de partir sur des rapports égaux. Mais, il y a un proverbe africain qui dit : « la main qui donne est toujours au dessus de celle qui reçoit ». Un deuxième proverbe dit : « ce que vous faites pour nous sans nous vous le faites contre nous ». Ceci a bouleversé nos relations de partenariat. Dans beaucoup de situation de solidarité internationale, le partenariat a permis à des associations du Sud de peser de plus en plus dans le fonctionnement, la réflexion et les propositions des associations des pays du Nord. Donc, des démarches sont en cours.

Au niveau du mouvement altermondialiste, à Belem les 2/3 des associations venaient du sud global, donc dans les FSM les espaces se reconfigurent.

Gérald Godreuil : leurs témoignages, le vécu qu’ils partagent est très important pour faire remonter les alternatives qu’ils mettent en place, ce qu’ils construisent. Au niveau du commerce équitable il y a le fair trade advocacy office, qui permet de pouvoir peser sur les règles du commerce international, en s’appuyant sur la parole des producteurs.trices.

On nous reproche parfois de travailler avec Bolloré, mais on n’a juste pas le poids pour l’influencer. Quand on a un container sur un bateau qui en porte 4000….bon. C’est pas qu’on travaille pas avec Bolloré, on subit les modes de transport tels qu’ils existent aujourd’hui.

Les pratiques de solidarité internationale en Seine-Saint-Denis : mieux les connaître pour mieux les accompagner

Binta Dampha – chargée d’étude au service international de Via le Monde

Binta Dampha fait une présentation intermédiaire de l’étude actuellement menée par le Service international-Via le monde (SI-VLM) du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis sur les acteurs associatifs de la solidarité internationale dans le département et la typologie de leurs activités et de leurs organisations.

L’enjeu pour le service est de mieux cerner la réalité de terrain pour ces acteurs, leurs besoins du moment, a fortiori dans le contexte imposé par la pandémie de covid-19, afin d’adapter et améliorer l’offre de service public du Conseil départemental.

Une précédente étude de ce type avait été réalisée par le SI-VLM en 2017, il s’agit donc également de connaître les évolutions du tissu associatif de la solidarité internationale sur ces 3 années.

Ainsi un questionnaire semi-directif a été envoyé à 800 associations issues de l’annuaire du SI-VLM (référencées dans le cadre des rendez-vous méthodologiques d’accompagnement au montage de projet de solidarité internationale, des formations et de l’accueil documentaire proposés par le service).

Si sur 800 contacts, on recense beaucoup d’associations de solidarité internationale (ASI) et d’organisation de solidarité internationale issues des migrations (OSIM), il ressort cependant de l’activité du SI-VLM et de cette étude une appétence grandissante d’autres types d’associations, qui n’ont pas directement dans leurs statuts une vocation internationale, pour les questions de solidarité internationale et/ou d’Education à la Citoyenneté Mondiale.

Les principales grandes difficultés soulevées par les associations dans le cadre de l’étude sont :

  • la mobilisation de moyens humains, financiers et techniques pour la réalisation et la réussite de leurs projets.
  • Des difficultés intrinsèques à la pandémie de covid-19 : impossibilité de mener les activités, baisse des cotisations, des dons et de la mobilisation des bénévoles.
  • Des difficultés à travailler en réseau avec d’autres structures
  • Une persistance des activités liées au don

Par ailleurs, on constate également que le dynamisme du tissu associatif en Seine-Saint-Denis a une corrélation assez forte avec la présence de nombreuses diasporas sur le département.

Le service international-Via le monde a mené en 2019, avec l’Observatoire du Conseil départemental, une étude sur les populations immigrées en Seine-Saint-Denis, les deux études seraient donc à croiser pour définir plus précisément l’impact de ce multiculturalisme sur la forte activité associative du territoire.

Enfin, un travail de coopération territoriale avec les villes reste à renforcer pour une connaissance plus fine du tissu associatif de la solidarité internationale dans le département et pour mieux comprendre la disparité de son dynamisme selon les communes.

La solidarité internationale, ça commence à l’échelle d’un quartier

Bintou Diarra – fondatrice de l’association Mejless, (L’association MEJLESS a pour souhait de transmettre le savoir entre générations et d’être porteuse d’actions collectives socioculturelles en résonance avec le territoire) :

L’association Mejless a été créée en 2018 par des personnes issues en grande partie des métiers du social, elle a pour objet de travailler à l’ouverture culturelle et éducative des habitants des quartiers de la ville de Bobigny.

L’international est également un volet de l’activité de l’association avec plusieurs projets de solidarité internationale par ou pour les jeunes à son actif : 2 projets menés à Tanger au Maroc (2017 et 2019) et un projet en perspective en Afrique du Sud, initialement prévu en octobre 2020 et reporté à fin 2021 au regard de la situation sanitaire mondiale.

Il s’agit d’un séjour solidaire et culturel, porté par des jeunes et bénévoles de l’association, qui vise à mettre en place des ateliers vidéo autour de la thématique de «la valorisation du lieu de vie » dans un orphelinat situé en banlieue de Johannesburg.

Durant le premier confinement, l’association, bloquée dans son projet de solidarité internationale, a décidé de se recentrer sur la solidarité locale en assurant la livraison de colis alimentaires dans certains quartiers de Bobigny plusieurs fois par semaine.

Bintou Diarra n’oppose pas solidarité locale et solidarité internationale. Elle pense au contraire qu’apprendre et sensibiliser à la solidarité, cela commence ici dans sa ville ou son quartier pour s’étendre dans la durée ou simultanément à une dimension internationale. La livraison de ces colis alimentaire a permis d’inscrire l’action de solidarité de Mejless dans une continuité.

L’association a également mené un projet de rénovation de son local pendant ce premier confinement.

Le projet de solidarité en Afrique du Sud reste donc d’actualité mais si l’association doit gérer les contraintes liées à son report : craintes des familles face au contexte de pandémie mondiale et les incertitudes sur son évolution, même d’ici la fin 2021, défection de certains jeunes qui, pour des raisons scolaires ou professionnelles, ne peuvent plus envisager de participer à ce projet dans un an mais qui restent bénévoles au sein de l’association. La préparation au départ et l’implication des jeunes dans la construction du projet est un point central dans l’action menée par Mejless.

Cependant, le lien avec l’orphelinat reste constant et fort.

Bintou Diarra remercie le CRID et le service international-Via le monde pour l’organisation de ce séminaire, ainsi que tous les bénévoles de Mejless.

Question des participant.e.s 

Combien recense-t-on d’associations de solidarité internationale en Seine-Saint-Denis ? Quel rôle des diasporas dans la solidarité internationale ?

Magali Fricaudet, directrice du service Via le Monde : la Seine-Saint-Denis est le 2ᵉ département qui compte le plus de créations d’associations de solidarité internationale en France après la ville de Paris. La proportion des associations de solidarité internationale en Seine-Saint-Denis ramené au nombre total d’associations du département est de l’ordre de 20 %, ce qui représente de 2000 à 3000 associations.

Pour beaucoup de ces associations, il s’agit de faire de la solidarité internationale à partir de la solidarité locale. Les diasporas sont particulièrement concernées par ce phénomène, notamment les OSIM, qui ne se reconnaissent pas toutes dans cette appellation du fait justement qu’elles portent également des actions de solidarité locale, pas seulement des projets de développement dans leur pays d’origine.

Par ailleurs, diaspora ne veut pas forcément dire projets de solidarité internationale, sous l’angle du développement. Par exemple, la diaspora algérienne, première diaspora du département de la Seine-Saint-Denis en nombre, ne porte pas particulièrement ce type de projets de développement mais plutôt des actions tournées vers la promotion et la diffusion de la culture algérienne.

Magali Fricaudet profite de l’opportunité de cette question pour présenter l’Appel à Agir In Seine-Saint-Denis qui regroupe depuis 2019 plusieurs appels à projets du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis dans lequel la Direction Europe-International est représentée avec 3 axes de soutien financier aux projets associatifs internationaux : l’aide au développement, la mobilité européenne et internationale des jeunes et la promotion de l’Education à la Citoyenneté européenne et mondiale. 80 projets ont été reçus cette année par la Direction, 38 d’entre eux ont été financés pour une enveloppe de 168 000 euros.

Comment sensibiliser à la solidarité internationale ?

Bintou Diarra : la notion de solidarité est assez naturelle dans les quartiers populaires puisque la solidarité, dû à la condition sociale des habitants, s’illustre quotidiennement. Mejless souhaite aider à la formalisation de cette solidarité et l’accompagner dans son évolution. Les jeunes sont très impliqués dans l’entraide, on a constaté qu’ils étaient très mobilisés dans cette crise sanitaire. Mejless ne reste pas figé sur les quartiers de Bobigny, l’association est ouverte à rencontrer d’autres jeunes d’autres départements pour monter des projets collectifs.

Dans quelle mesure Via le monde peut-il accompagner des projets très ponctuels et arrêtés du fait de la crise sanitaire ?

Magali Fricaudet : Via le monde essaie de mener une réflexion autour du partenariat et d’accompagner les associations en ce sens pour co-construire leur projet pour qu’ils puissent s’inscrire dans la durée, amener également les associations à mener des actions sur le territoire pour parler des enjeux qu’elles portent. A titre d’exemple, Via le monde relaie le Festival Alimenterre, notamment en conduisant des parcours dans les collèges du département sur la souveraineté alimentaire, des systèmes alimentaires autonomes. Dans ce cadre, Via le monde essaie d’amener les associations à témoigner de leurs projets et à porter des messages sur ces thématiques.

Au regard du contexte actuel, le service international-Via le monde sera peut-être amené à soutenir des projets d’aide d’urgence, un volet qui sera peut-être d’ailleurs à intégrer dans le cadre des formations proposées par le service.

L’association Mejless a-t-elle accueilli des jeunes d’ailleurs dans le monde ?

Bintou Diara : Pas pour le moment mais Mejless espère pouvoir le faire à l’avenir, notamment accueillir quelques jeunes sud-africains de l’association Malaïka, partenaire de leur projet.

Comment et pourquoi essayer de favoriser la fixation des jeunes dans leur pays, au regard des naufrages actuels en Méditerranée? Doit-on faire en sorte que ces jeunes ne quittent pas leur pays ou doit-on au contraire favoriser la mobilité de tous les jeunes à l’international ?

Bintou Diarra : ce problème ne concerne pas uniquement les jeunes, des enfants en bas âge embarquent aussi sur des canots de fortune malheureusement. Cette question est en premier lieu à travailler au niveau des Etats africains. Lors de leurs projets à Tanger au Maroc, Mejless a eu l’occasion de rencontrer des jeunes qui souhaitaient traverser la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. La réponse réside dans la capacité à proposer à ces jeunes des formations, il y a tout un travail de réinsertion à mener, et leur donner la possibilité de trouver du travail localement.

Gustave Massiah : Aucun droit ne résout totalement une situation ou un problème, il existe des droits qui paraissent contradictoires et qui pourtant sont complémentaires. Vivre et travailler dans son pays est un des droits fondamentaux du développement et ce droit-là est complémentaire à celui de circuler librement, ces deux droits ne sont pas contradictoires. Gus cite Charles Pasqua qui disait au maire de Kayes de dire aux jeunes de sa ville de rester dans leur pays, ce à quoi le maire de Kayes a répondu à C. Pasqua « on ne dira jamais assez à un jeune de partir pour aider son village ».

Gustave Massiah cite une étude qui était menée sur les banlieues au cours de laquelle un jeune avait dit : « le droit de rester doit être inséparable de celui de partir ». Donc il faut répondre à ces deux questions.